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Festival d’Avignon : Yinka Esi Graves, les racines noires du flamenco en héritage

La géographie se prend un méchant vertige avec la danseuse et chorégraphe Yinka Esi Graves. Anglaise, cette artiste de 40 ans, née à Londres d’un père d’origine jamaïcaine et d’une mère ghanéenne, a grandi en Angleterre mais aussi au Nicaragua et en Guadeloupe. Ce qui explique son français parfait et fluide. « Et j’habite depuis onze ans à Séville », glisse-t-elle en souriant, histoire de nous balader un peu plus autour de la planète. Et de nous détailler rapidement son patronyme : « Yinka » est nigérian, « Esi » est le nom porté par les femmes nées un dimanche dans la culture Fanti au Ghana, quant à Graves, il est anglais via la Jamaïque.
Pour conserver le cap qui s’affole, retour en Espagne où s’arrime aujourd’hui la chorégraphe qui a présenté sa pièce The Disappearing Act, le 14 mai, au Teatro Cuyas, à Las Palmas, aux Canaries. Mais pourquoi Séville ? Pour le flamenco dont Yinka Esi Graves est en passe de devenir une des figures de la scène contemporaine. Inconnue en France, à l’affiche du Festival d’Avignon pour la première fois, elle y présente sa première pièce intitulée The Disappearing Act, en compagnie du guitariste Raul Cantizano, du batteur Remi Graves et de la chanteuse Rosa de Algeciras. « Je suis en pleine exploration, explique-t-elle. Cette pièce questionne une nouvelle perspective sur le flamenco, celle de la présence évidente d’Africains dans le sud de l’Espagne au moment de l’apparition de cette danse autour de 1850. Ils ont contribué à son évolution, ont été invisibilisés et j’entends les remettre sur le devant de la scène. »
Le propos est donné direct ; le cadre, bien planté. La route pour parvenir à cet espace de revendication a été longuement et patiemment arpentée. Curieuse trajectoire que celle de Yinka Esi Graves. « Je ne voulais pas devenir danseuse ou chorégraphe, confie-t-elle. C’était vraiment très loin de moi de penser que j’allais en faire mon métier. Je suis d’abord curieuse et j’aime découvrir de nouvelles choses. » Avant de se convertir tardivement et un peu par hasard au flamenco à l’âge de 23 ans, elle a déjà engrangé nombre de techniques. Enfant, elle pratique le ballet classique « mais j’avais trop de fesses pour ça selon ma professeure ». Un peu plus tard, à 11 ans, elle s’initie à la danse sénégalaise traditionnelle.
Elle en a 18 lorsqu’elle file à Cuba et s’emballe pour la salsa et l’afro-cubain en collaborant avec la compagnie Ikache. De retour à Londres, où elle étudie l’histoire de l’art, elle prend son premier cours de flamenco « et se sent tout de suite à l’aise dans ce style ». La voilà donc à Barcelone, puis à Madrid où elle suit des cours pendant cinq ans au sein de la fameuse école Amor de Dios avant de rallier Séville. « Le fait que dans le flamenco, comme dans les danses traditionnelles africaines, le geste et la musique soient automatiquement reliés explique sans doute mon attrait, poursuit-elle. Le rapport au sol, l’importance aussi de la relation avec la communauté comme source d’énergie sont proches de mes racines. »
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